« Algas Elétricas » de Agora du Design

Agora du Design et l’Institut français du Portugal, sous le commissariat de Scott Longfellow, présentent Algas Elétricas, une exposition qui réunit deux projets de recherche en design qui s’inscrivent dans le thème de la Biennale de design de Porto : Le Pavillon des rêves de Pablo Bras, qui étudie le potentiel d’énergie résiduelle dans les environnements suburbains, et le projet Alga de Samuel Tomatis, qui mène depuis sept ans des recherches sur les algues vertes qui envahissent nos plages.

Vous allez voir ce que vous allez vraiment voir : une plage devenue verte sous l’effet des porcs élevés dans des conditions précaires. Une gargouille qui, cachée dans une gouttière par mauvais temps, fleurit. Un sac voué à disparaître sans laisser de traces. Et un toit de banlieue qui s’interpose. Cette exposition peut paraître surréaliste, mais elle est bien réelle, trop réelle ? Elle s’intéresse à ce que l’on ne veut souvent pas voir, mais qui est là : les algues invasives qui peuplent les plages et un pavillon de banlieue, ce type d’habitat tombé en décrépitude. L’exposition Algas Elétricas fait le point sur deux projets de recherche en design qui ont peu en commun, si ce n’est la lucidité de deux créateurs face au « ici et maintenant », leur sagacité et leur capacité à générer des futurs à partir des erreurs apparemment sans issue du passé.

Le Pavillon des rêves de Pablo Bras

Pablo Bras enquête là où cela ne se fait pas : dans les banlieues résidentielles.  Ces maisons/pavillons n’ont jamais été conçus par des architectes, mais par des promoteurs qui, comme Ikea pour les meubles, les vendent sur catalogue, ignorant le lieu où ils sont construits et niant ainsi toute possibilité pour ces futures habitations de s’inscrire dans leur contexte : exposition, topographie, végétation, etc.  Pablo Bras cherche à inscrire ces maisons dans les flux, les matériaux et les énergies présents, en enregistrant soigneusement toutes ces informations et en proposant des dispositifs pour leur potentielle transformation en énergie. Car Pablo Bras a aussi une autre ambition : harmoniser les rythmes électriques. Avec le Pavillon des rêves, il démontre qu’en étant vigilant, attentif aux flux présents et à tous les événements, notamment climatiques, il est possible d’extraire de l’énergie de l’environnement sans causer de dommages.

Alga de Samuel Tomatis

Samuel Tomatis travaille surtout dans des endroits où il faut se boucher le nez. Depuis sept ans, il s’intéresse aux algues vertes qui envahissent les plages. Les algues sont des plantes marines aux mille et une propriétés et, malgré leurs nombreuses vertus, elles posent de sérieux problèmes que nous tardons collectivement à prendre en compte. L’enrichissement des mers en nutriments, notamment par l’agriculture industrielle, a entraîné une prolifération anormale d’algues sur de nombreuses plages, en particulier en Bretagne et sur l’île de la Guadeloupe, où Samuel Tomatis effectue ses prélèvements. Celles-ci s’accumulent et créent des matières organiques polluantes et toxiques. Samuel Tomatis, tel un alchimiste de l’eutrophisation, cherche à transformer ces déchets en une ressource positive et durable. Il a favorisé de nombreuses collaborations avec des experts du monde de la biologie, de la science et de l’écologie pour découvrir la magie de la biologie, il a également collaboré avec de nombreux artisans pour la transformer, et enfin il a recherché les différentes possibilités de marché et organisé une filière qui, sept ans plus tard, est devenue industrielle. Matériaux souples, objets et papiers durs, c’est le regard d’esthète que Samuel Tomatis pose sur ces algues valorisées dans toutes leurs potentialités.

Dû aux conditions météorologiques dans la région de Porto, les oeuvres ne pourront pas être présentées au public. Elles sont soumises à un taux d’humidité exceptionnel dans des conditions de conservations inadaptées, qui les déforment et les endommagent. À la place, le designer présentera deux vidéos, un diptyque réalisé en collaboration avec le vidéaste Lucas Bonnel, retraçant le processus de transformation de cette biomasse en différentes typologies de matériaux aux propriétés et esthétiques fascinantes, une démarche d’écologie radicale, à la frontière entre science et design.

Ces projets ont été développés grâce à la bourse AGORA, un programme français de soutien financier et d’accompagnement professionnel de projets de recherche en design conscients des enjeux de notre temps, financé par le ministère français de la Culture et la fondation d’entreprise Hermès. L’exposition a été coproduite avec l’Institut français du Portugal dans le cadre du Fonds d’innovation du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et avec le soutien de l’Institut français Paris.

Depuis 1983, l’Agora du Design, association à but non lucratif et l’un des principaux acteurs du design en France, soutient financièrement de jeunes designers désireux de développer des projets de recherche dans la pratique. L’association attribue tous les deux ans, après évaluation par un jury de professionnels, trois bourses : deux bourses de recherche pour le projet et une pour l’exposition.
Ces projets sont d’une grande importance car ils donnent aux professionnels la possibilité de développer un thème au-delà des préoccupations commerciales, ce qui permet de mettre en pratique la perspective du design à long terme et dans des projets moins rentables. En finançant et en soutenant des projets qui interrogent la relation entre les usages, les techniques, les hommes et le monde, Agora du Design soutient le rôle important joué par le design dans la résolution des principaux défis auxquels la société contemporaine est confrontée.

Samuel Tomatis

Samuel Tomatis est designer et chercheur en bio-matériaux.Il est l’ambassadeur du travail sur les algues dans le monde du design contemporain. Il a remporté de nombreux prix de design contemporain pour ses recherches sur les algues, notamment le Grand Prix de la création de Paris, les Dezeen Awards. Plus récemment, la tapissière Anaïs Jarnoux et Samuel Tomatis ont remporté le prestigieux prix Liliane Bettencourt pour l’intelligence de la main – Dialogues pour leurs pièces MS.86.Ulva, qui incarnent leurs recherches sur de nouveaux matériaux d’ameublement, de maroquinerie et de sellerie fabriqués à partir d’algues invasives.

Pablo Bras

Le designer Pablo Bras a évolué librement entre la recherche, la conservation, la sculpture, la vidéo et le dessin. Son travail se concentre sur les utilisations de l’énergie et la manière dont elles peuvent être reconfigurées par des objets quotidiens. Elle cherche à pratiquer une écologie non naturaliste, dépassant l’origine naturelle ou artificielle des choses pour mieux considérer ce qui est disponible « ici et maintenant ». Sous forme d’objets, de textes, de films et d’installations, il a réalisé des expositions en France et à l’étranger, et a été designer invité à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris.